ENTRETIEN. Pourquoi Vladimir Poutine soutient Kamala Harris : "Il veut juste prendre ses distances avec Trump pour l’aider"

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À la surprise générale, le président russe Vladimir Poutine a annoncé soutenir la candidate démocrate à la Maison-Blanche, Kamala Harris, pour l’élection du mois de novembre. Une annonce étonnante quand on sait les ingérences russes à l’œuvre en 2016 pour porter Donald Trump au pouvoir. Mais pour la politologue Vera Grantseva, cette annonce est une nouvelle manipulation du Kremlin, destinée à faire remonter le candidat républicain dans les sondages.

"Le président américain Joe Biden a recommandé à ses électeurs de soutenir Mme Harris, donc nous la soutiendrons aussi", a déclaré Vladimir Poutine lors d’un forum économique à Vladivostok, affirmant que le candidat républicain et ex-président Donald Trump avait imposé de nombreuses "restrictions et sanctions" à la Russie. Une petite phrase surprenante, que la politologue, spécialiste de la Russie Vera Grantseva nous invite à prendre avec des pincettes.

La Dépêche du Midi : Cette prise de position paraît étonnante, comment expliquez-vous cette déclaration de Vladimir Poutine ?

Vera Grantseva : Avant toute chose, il faut rappeler que la communication est vue comme un outil politique pour Poutine. En Occident, cette phrase serait une prise de position qui impliquerait une cohérence par la suite, une continuité dans les discours, pas en Russie. Il ne faut pas oublier que Poutine se définit comme un spécialiste de la communication, ce qui est assez révélateur ! C’est toujours un agent du KGB, conscient que la communication est la base de la manipulation et de la tromperie.

Et qui cherche-t-il à manipuler en annonçant préférer Kamala Harris à Donald Trump qu’il a pourtant soutenu par le passé ?

À mon avis, il ne faut pas le prendre au premier degré. La candidate démocrate est à 100 % pour l’Ukraine, pour un soutien presque infini à son peuple jusqu’à la victoire. En plus, elle est pour l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Pourquoi soutenir son ennemi ? Je pense que Poutine voulait évidemment dire autre chose, qu’il voulait à tout prix prendre ses distances avec Trump car il constate qu’il n’est pas leader dans les sondages.

Cela veut-il dire qu’il essaie d’aider Donald Trump ?

C’est ça, il essaie de l’aider par cette prise de distance, même si cela est maladroit et peut sembler incohérent. D’ailleurs, il parle des sanctions imposées à la Russie par Trump et espère qu’Harris n’en fera pas de même, ce qui n’a pas de sens. Poutine voit que sa stratégie est en danger car les chances de Trump ne sont pas aussi importantes que ce que le Kremlin pourrait espérer.

Le Kremlin espère donc toujours une réélection de Donald Trump ?

Oui, le choix est assez évident, mais ils ne peuvent pas le dire. Beaucoup d’observateurs russes disaient il y a un an qu’il fallait attendre la victoire de Trump pour que "le problème ukrainien" soit réglé.

La Russie a agi dans l’ombre pour que Donald Trump soit élu en 2016, a-t-elle été déçue par son mandat ?

Non, pas vraiment, ils se sont rencontrés en 2018 en Finlande, ça a été quelque chose d’important pour Poutine car il était déjà très isolé à l’époque du fait de la guerre au Donbass. Il savait qu’il pouvait avoir certains outils de pression sur Trump. Certains disent ici qu’il détient certaines données compromettantes sur lui, sur ses passages dans des hôtels russes… Sur le bilan du mandat de Trump, il est vrai qu’il a imposé moins de sanctions, et qu’il n’a pas fait de choses trop dures contre Poutine. Mais on peut quand même observer un décalage entre son discours et les actions prises au nom des États-Unis. Les premières armes létales ont été livrées à l’Ukraine… par les États-Unis.

Poutine sent qu’il a plus de pouvoir sur Trump que sur Kamala Harris ?

Sa méthode c’est le "kompromat", il utilise des données compromettantes pour asseoir son pouvoir sur ses ennemis politiques en Russie. Il pourrait avoir des choses sur Trump, on peut donc imaginer que ça soit un levier de pression.

Observe-t-on déjà des tentatives de déstabilisation russe pour l’élection américaine de novembre ?

On n’a pas beaucoup de données là-dessus, mais les États-Unis accusent déjà la Russie d’ingérence. Il faut quand même signaler que la Russie a perdu des sources aux États-Unis (Russia Today ou certains agents), mais elle s’adapte en permanence, achète des blogueurs et des petits médias sur place. Ils ne peuvent pas se permettre de ne pas faire d’ingérence.

Source: La Dépêche

#KamlaHarris#ValdimirPoutine#Élections 

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